Les nationalités et le fédéralisme libertaire

    

    La position des libertaires sur la Question nationale, sur le droit à l'existence des na­tionalités a toujours été claire. Notre internationalisme n'exclut pas, n'efface nullement les na­tionalités. Chaque nationalité a ses particularités. Les liens en­tre les hommes d'une même na­tionalité sont forts et durables, et ils jouent un rôle important dans les rapports entre les dif­férentes ethnies constituant une nation.

L'attitude des libertaires à l'é­gard des ethnies est déterminée par le principe fondamental de l'anarchisme reconnaissant la pleine autonomie et la liberté de l'individu - réalité palpable et pierre angulaire de la société. Le même principe appliqué aux divers groupes sociaux, aux di­verses entités sociales, s'exprime ainsi, selon Bakounine : « Reconnaissance du droit absolu de toute nation, grande ou petite, de tout peuple, faible ou fort, de toute commune à l'autonomie complète »

Cependant, autonomie ne si­gnifie nullement séparatisme et isolement. Le droit à la liberté, à l'indépendance n'est pas l'u­nique principe réglant les rap­ports humains. L'autonomie, sans la solidarité, pourrait abou­tir à l'impuissance, à une dé­pendance réelle, pour se termi­ner par le suicide dans un mon­de comme celui d'aujourd'hui où l'interdépendance entre in­dividus, communes, ethnies el nations, devient une nécessité qui s'impose matériellement.

Par conséquent, la liberté et j'autonomie rendent indispensa­bles l'union et la réunification, et imposent la solidarité qui se réalise par la fédération.

Le fédéralisme libertaire

Dans le monde autoritaire, étatique et capitaliste où nous vivons, l'idée même de fédéralisme, comme celle d'autonomie, est déformée et défigurée. Il exis­te diverses conceptions de fé­déralisme, plusieurs espèces de fédéralistes et de fédérations, la Suisse, les Etats-Unis d'Amé­rique et même l'URSS sont des fédérations d'Etats, édifiées sur le principe de l'autorité, recon­naissant le droit au pouvoir de chaque unité constituant l'en­semble fédéral étatique. Le fédé­ralisme est devevu à la mode aujourd'hui. L'édification d'une fédération ou d'une confédé­ration européenne est l'objet de discussions entre les Etats de l'Europe occidentale. Les uns sont pour « l'Europe des na­tions, d'autres - plus à « gau­che » - préconisent 'a réunifi­cation par ethnies ou par régions « historiques ». Le « principe du fédéralisme » trouve sa place et son application même au sein d'un seul Etat, sous l’appellation de « régionalisme ».

Dans tous les cas, il ne s'a­git réellement que de « parcel­lisation «  relative de l'autorité, sans atteindre le centralisme - trait distinctif da tout Etat cons­titué. L'autonomie, officielle­ment et !également reconnue, conquise par des référendums, comme celles de Catalogne et des Pays Basques par exemple, se traduit dans la réalité par le droit d'ajouter au parlement cen­trai un autre parlement, avec quelques dizaines de députés de plus, et à la police centrale un corps de police « autonome » et rien de plus

Notre fédéralisme à nous – le vrai et le seul réellement possible - est libertaire. Il se distingue par: la structure et le fonctionnement.

Les relations entre les hommes dans toute société concernent plusieurs domaines dont les plus essentiels sont : les rapports économiques - rapports de travail, de répartition et de consommation, et les rapports sociaux - rapports politiques" rapports entre citoyens et cohabitants qui occupent un territoire déterminé.

Viennent ensuite, aussi, les rap­ports nationaux, ethniques, dé­terminés par la communauté de langue, d'origine historique de culture, de traditions, de créa­tion artistique populaire, etc.

Dans les structures et le fonctionnement correspondant. Aux relations économiques et aux rapports sociaux vus sous l'aspect territorial, il n'y a pas de  place pour les distinctions na­tionales ou ethniques. L'organi­sation de l'économie et son fonc­tionnement suivent la ligne des fonctions. La production sociale est logiquement, raisonnable­ment entre les mains des producteurs constitués en groupe­ments, unions et fédérations, par professions et par branches d'activités se terminant par la

Confédération du Travail. L'échange, la répartition et la con­sommation des produits résultant du travail social reviennent aux consommateurs et à leurs groupements, unions et fédéra­tions au sein de l'organisation sociale - communes, quartiers, zones, régions, etc.

Les producteurs et les con­sommateurs ne sauraient être considérés par la différence de leurs traits distinctifs d'ethnie et de nationalité. Si dans la vie économique la participation et la prise des décisions respec­taient l'appartenance ethnique, on aboutirait à la constitution de minorités absurdes.

La même absurdité s'établirait sur le plan de l’administration sociale - dans les communes et leurs fédérations territoriales correspondantes - si l’on procédait dans la structure et le fonc­tionnement par des différences ethniques.

Par contre, tout ce qui con­cerne les ethnies et leurs pro­blèmes particuliers revient en droit et en compétence exclu­sive aux membres des ethnies correspondantes :

Oui! Autonomie et indépendance dans la solidarité et la fédération! Mais autonomie et indépendance économique et sociale.Pour les libertaires ce n'est plus un principe abstrait, mais une attitude historiquement con­firmée. Le mouvement makhno­viste précisait dans une déclaration :

« Réclamant l'indépendance

de l'Ukraine, nous ne l'entendons pas sous l'aspect national, mais sous son aspect de travail et de droits sociaux des travailleurs et des  paysans. Nous proclamons que le peuple travailleur ukrainien (comme tout autre) a le droit de construire son propre sort non pas en tant qu’entité nationale, mais comme une communauté de travailleurs

                    G.G.

Article paru dans le monde libertaire (date  ?)