UN MANIFESTE LIBERTAIRE SICILIEN
Après une présentation brève mais détaillée de
l'Italie divisée entre Nord Industrialisé et Sud où domine l'agriculture et par
une analyse concise sur le développement des Etats modernes, le manifeste
aborde de manière radicale et structurée le problème de la lutte de libération
nationale, son contenu, sa méthode, ses objectifs.
Une première caractéristique de la domination, de la
colonisation et de l'Impérialisme mise en évidence dans ce manifeste est c la
destruction de la langue originaire considérée seulement sous l'aspect
extérieur c linguistique - et non plus comme le véhicule d'une Identité
sociale, communautaire, particulier et de là d'être un instrument de
libération.
Nous reproduisons maintenant l'essentiel de ce document.
« ....
IMPOSSIBILITE
DU DISCOURS SEPARATISTE TRADITIONNEL.
Le séparatisme traditionnel était basé sur la notion
romantique selon laquelle la bourgeoisie interne, par le fait seulement d’être
Sicilienne, serait moins dangereuse que la bourgeoisie externe.
La bourgeoisie est égale à elle-même.
L'argumentation d'une réduction quantitative de
l'exploitation à la suite de l'élimination de la bourgeoisie étrangère n'est
pas fondée. La persistance de la bourgeoisie locale, interne, la bourgeoisie
sur une base ethnique, garantirait la faillite de toute tentative séparatiste.
INTERNATlONALISME PROLETARIEN REVOLUTIONNAIRE.
La bourgeoisie interne est égale à la bourgeoisie
externe. Toutes les deux sont des ennemis irréductibles et doivent être
défaites de la même manière. Cela ne pourra être fait en partant d'une
conception séparatiste, mais nécessairement en reprenant en considération les
principes généraux de la lutte de classe; une lutte issue de la base, une lutte
développée au nom du peuple et non au nom d'une caste indigène.
Nous devons condamner toutes les bourgeoisies, toutes
les minorités privilégiées; nous devons condamner chaque discours autoritaire
qui entend passer sur la tête du peuple; toute déformation de la lutte de
libération nationale qui au contraire, doit être comprise comme une lutte
internationaliste et révolutionnaire. 1
La lutte de libération nationale développée au nom
d’une bourgeoisie interne deviendra un horrible massacre au profit des nouveaux
patrons, un crime monstrueux commis aux dépends du peuple. Et c’est pourquoi,
pour être révolutionnaire, la lutte doit être orientée vers l’internationalisme.
Un pays qui réalise une révolution nationale prenant en compte la
dimension internationale peut être certain de trouver l'appui international
dons l'activité et dans l'effort révolutionnaire du prolétariat des autres
pays.
De cette manière, la lutte de
classe reste un fait mondial, qui ne se limite pas aux: zones de
sous-développement. L'interlocuteur privilégié reste donc encore /e prolétariat
révolutionnaire du monde entier, le prolétariat qui lutte pour son émancipation
étant donné que l'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs
eux-mêmes ou ne sera pas.
L'ORGANISATION
REVOLUTIONNAIRE INTERNATIONALISTE
POUR LA LIBERATION NATIONALE
Elle
doit être une organisation socialiste et révolutionnaire par la libération
nationale prête à soutenir l'internationalisme prolétarien.
Elle doit proposer un programme révolutionnaire qui
ait comme objectif la formation d'une organisation fédérale de collectivités
productives liées par des rapports associatifs établis sur des décisions prises
ô la base.
L'ensemble
coordonné de ces deux structures fédérales, celle productive et celle administrative,
constitue la structure socialiste définitive de la collectivité sicilienne du
futur.
Ce projet nécessite le développement d'une culture sicilienne, avec l'objectif de redécouvrir et de mettre en relief les aspects historiques et traditionnels du peuple sicilien. Mais ce processus de redécouverte ne doit pas être poussé à 1'exaltation nationale, jusqu'à une séparation autarcique et une relative cristallisation des valeurs (tout ce qui est sicilien est le meilleur), mais, au contraire, doit être une manière de s'ouvrir à l'extérieur, contrôlant la déformation culture11e que la bourgeoisie impose dans le monde entier et en faisant tout pour la détruire. Notre projet ne doit pas être basé sur un plan de réformes à long terme, dans l'illusion que les réformes pourront améliorer le niveau de vie des travailleurs.
Comme organisation révolutionnaire, nous devons nous
efforcer à attaquer' les fondements du système, détruisant les racines de
l'exploitation provenant de la production capitaliste. Et c'est pour cela que nous visons l'abolition du travail salarié et
de la propriété privée.
NOTRE
LUTE POUR L INDEPENDANCE
C'est
la lutte contre la bourgeoisie interne parallèlement à la lutte contre la
bourgeoisie externe.
L'idée d'une Sicile libre contemporaine à la
libération de l'Italie dans son hétérogène complexité est possible, mais nous
croyons plus facilement réalisable la libération de la Sicile et la formation
d'une collectivité socia1iste, et cela à cause du fossé existant en Italie
entre zone développée et zone sous-développée.
En
réalisant la libération de la Sicile, explosera le mécanisme économique du sous
développement qui garantit aujourd'hui l'existence de l’Etat capitaliste
unitaire italien.
Naturellement, comme socialistes et -révolutionnaires,
nous affirmons que nous entendons nous séparer de l’Italie bourgeoise, mais que
nous serons toujours aux côtés et unis avec le prolétariat italien, comme avec
celui de tous les autres pays du monde.
PROPAGANDE POUR L'Independance
Pour réaliser le projet d'indépendance que nous avons traité, il est nécessaire avant tout de couvrir tous les secteurs dans lesquels la propagande des patrons est engagée. Les secteurs de la culture, de l'information quotidienne, de l'information politique, des loisirs, du sport. etc.
Tout cela intéresse un très vaste champ qui ne peut être atteint à brève échéance.
La propagande doit comprendre un programme à moyen terme sur diverses actions à réaliser.
1. Culture. Encouragement et soutien de toutes les initiatives sérieuses, cherchant à étudier le problème sicilien à tous les niveaux culturels : littéraire, historique, sociologique, scientifique.
2. Syndicats. Développement d'une critique documentée
et la plus ample possible de leur action actuelle et de leur action qui tend à
soutenir l'exploitation mise en avant par les patrons. Formation de groupes
autonomes de masse directement sur les lieux de production, indépendants des
syndicats et prêts à lutter et à s'organiser de manière autonome pour exiger de
meilleures conditions de travail, de meilleurs scolaires, mais utilisant des
moyens adaptés, et de se développer aussi sur le plan militaire (par exemple:
sabotage, grèves sauvages, occupations des usines, ralentissement des rythmes
de production, etc.).
3. Ecole. Développement d'une critique de la méthode
pédagogique en général et du rôle de l'école à chaque niveau, dans notre pays.
Formation de groupes d’étudiants pour l élabora1ion théorique des éléments de
la lutte révolutionnaire pour l'indépendance.
4. Production. Etude des diverses zones géographiques
de la Sicile et de leur production locale. Préparation d'un programme général
pour une possible coordination à moyen et à long terme. Examen sociologique des
diverses forces productives.
5. Répression. Enquête détaillée sur les forces
répressives aujourd'hui existantes, leurs localisations. Dimensions, moyens à
leur disposition, possibilité de mouvement, contrôle à distance, indications
sur les points opérationnels. Dans cette étude doit être également approfondi le
rôle possible des bases américaines dans une situation révolutionnaire.
6. Expropriations. Enquête
sur les capitalistes des plus importants, sur leurs habitudes, sur leurs
méthodes de travail, sur leurs propriétés, leurs habitations. Recherche sur
l’organisation et les systèmes de contrôle des banques les plus importantes.
Préparation d'un plan- à moyen et à long terme pour la capture des capitalistes
les plus en vue.
7. Politique. Enquête
sur les divers partis politiques au niveau des cadres militants. Examen
théorique de la possibilité d'une alliance opérative avec des partis déterminés
qui se déclarent de gauche. Préparation d'un plan prêt à bloquer les éléments
les plus représentatifs et donc les plus dangereux des différents partis, même
de ceux qui se déclarent alliés de la lutte de libération.
L'ensemble de ces éléments constitue, dans le même
temps, préparation et documentation, mais aussi travail de propagande.
Il n'est pas possible ici d'entrer dans les détails,
mais nous donnerons un exemple. Nous retenons que les périodes électorales sont
des moments favorables au lancement d'une vaste campagne abstentionniste, qui
démontrera la futilité du parlementaire, la fonction que les partis de toute
nature déploient comme piliers du pouvoir capitaliste, etc. Des campagnes de ce
genre pourront remplir la fonction de première approche surtout dans les petits
pays, auprès du peuple et auprès des groupes intéressés au problème de
l'indépendance.
Un autre élément important de propagande est
l'activité dans l'aire des syndicats, à travers la formation de noyaux
productifs de base, opérant dans les centres de production, orientés en
opposition immédiate à l'influence des syndicats.
LA LUTTE ARMEE
Le programme ainsi rapporté ne peut être scindé de la
nécessaire préparation dans le même temps de la lutte armée pour la libération.
On peut en effet tranquillement exclure que le capitalisme se rendra sans
combattre.
Le signal du commencement de la lutte armée, quand la propagande atteindra le niveau nécessaire de maturation, sera donné à peu de minorités spécifiques qui n’auront pour cela aucun prétexte pour imposer une domination militaire ou n'importe quel type de dictature sur le peuple. Leur objectif, en tant que minorités conscientes, sera celui de chercher i à mettre en marche la révolution sociale de masse, indiquant la voie des armes et le ' soulèvement contre les exploiteurs internes et externes. Dans cette situation la lutte armée signe la conclusion, le moment le plus important de tout le travail révolutionnaire précédent. La libération aboutira seulement à travers l'insurrection armée du prolétariat"
QUI SONT NOS ALLIES?
Avant
tout, le prolétariat exploité du monde entier.On
ne doit pas oublier que chaque peuple, aussi petit qu'il soit, a son caractère,
sa manière de vivre, de parler, de sentir, de penser, de travailler; et ce
caractère, cette façon' d'être, ce sont les racines de sa propre nationalité;
c'est le résultat de toute l'histoire, de toutes les conditions de vie, de
l'environnement de ce peuple, un phénomène purement naturel et spontané.
Sur cette base, l'aide peut venir des peuples qui sont opprimés comme nous, mais aussi des peuples qui ont commencé leur processus de libération dans un sens socialiste. Le prolétariat international pour cela sera encore l'objet de notre espoir, de même qu'il sera l'unique objectif de notre activité future. »